TA Montreuil., 20 mai 2025, ordonnance n°2506577.

Saisi par la Ligue des droits de l’Homme et six autres associations, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, par une ordonnance du 20 mai 2025, suspendu l’exécution d’un document intitulé « Fiche réflexe – Le signalement des ESR TOP par la DTSP93 à la préfecture de la Seine-Saint-Denis ». Diffusé par le préfet de la Seine-Saint-Denis au cours du mois de janvier 2025, ce document s’adressait aux services de police du département (93), aux fins de signalement des étrangers en situation régulière et placés en garde à vue, quelque soit les suites judiciaires données à son issue. Le juge des référés a estimé qu’en l’état de l’instruction, il y avait lieu de douter sérieusement de la compétence du préfet pour donner une telle instruction.

Le préfet de la Seine-Saint-Denis a diffusé au sein des services de la direction territoriale de la sécurité de proximité de la Seine-Saint-Denis (DTSP93) un document sollicitant de ceux-ci le signalement aux préfectures des étrangers en situation régulière et placés en garde à vue. Selon les termes de l’ordonnance, ce document s’accompagnait d’une fiche à remplir par les services concernés qui devaient y renseigner les éléments relatifs à l’identité et à l’infraction supposée de l’étranger concerné. Les informations ainsi recueillies seraient ensuite centralisées dans les services administratifs de la préfecture, afin d’examiner le droit au séjour des intéressés au regard de leur éventuelle menace à l’ordre public, révélée par la procédure pénale engagée à leur encontre.

La Ligue des droits de l’homme et six autres associations ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil afin d’obtenir la suspension de l’exécution de ce document.

Dans un premier temps, le juge des référés a constaté que, compte tenu de ses termes et du caractère impératif de la demande adressée par le préfet aux services de police du département, ce document, qui ne laisse aucune marge d’appréciation à ses destinataires, est susceptible de recours. Il a ensuite estimé que la Ligue des droits de l’homme, compte tenu de la nature des informations transmises et des conséquences potentielles sur les personnes concernées, justifiait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre du document litigieux.

Dans un deuxième temps, le juge des référés a jugé, d’une part, que les effets du document étaient de nature à caractériser une urgence, dès lors que l’exécution du document était déjà mise en œuvre. D’autre part, le juge, après avoir rappelé que c’était la direction de la préfecture de police de Paris, « chargée des missions de sécurité et de paix publiques » qui était compétente à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, a estimé que la question de la compétence du préfet pour diffuser un tel document à des services qui ne sont pas placés sous son autorité, créait un doute sérieux quant à sa légalité.

Enfin, dans l’attente d’un jugement sur le fond, le tribunal a enjoint au préfet de placer l’ensemble des signalements déjà transmis sous séquestre auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et de détruire toute copie qu’il détiendrait.

Un cas similaire à Nantes …

Un autre tribunal administratif, celui de Nantes, avait fait suspendre par une ordonnance du 4 avril 2025 une note de service émanant de la direction interdépartementale de la police nationale, qui demandait notamment aux policiers de spécifier les motifs de l’interpellation et les suites judiciaires données. Le juge avait estimé que cela constituait un « traitement de données personnelles » non autorisée. La préfecture de Loire-Atlantique a fait appel de cette décision et le Conseil d’Etat devra prochainement lui consacrer une audience.