CEDH, 26 juin 2025, Seydi et autres c/France (n°35844/17) 

Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour un contrôle d’identité jugé discriminatoire. Saisie par six requérants qui se plaignaient d’avoir subi des contrôles d’identité discriminatoires, elle conclut à la violation de l’article 14 combiné à l’article 8 pour l’un d’entre eux, et à la non-violation des articles 13 et 14 pour le surplus.

Cette décision inédite concerne le cas d’un ressortissant français, Karim Touil, qui avait été contrôlé à plusieurs reprises sans justification objective. En l’espèce, M. Karim Touil fit l’objet de trois contrôles d’identité dans le centre‑ville de Besançon en l’espace de dix jours, un premier le 22 novembre 2011, et deux contrôles le 1er décembre 2025. A l’issu de ces contrôles, M. Touil a reçu des insultes et gifles de la part des policiers.

Devant les juridictions internes, les requérants avaient recherché la responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice (article L.141-1 du Code de l’organisation judiciaire). L’affaire avait donné lieu à une série d’arrêts (9 novembre 2016), par lesquels la Cour de cassation avait procédé à une extension remarquée du domaine de la faute lourde et instauré une présomption de discrimination en la matière. Si certains cas de discrimination avaient été constatés, les recours des requérants avaient été rejetés.

Sous l’angle procédural, la CEDH juge d’abord que l’article L.141-1 du COJ constitue une voie de recours efficace, effective et adéquate pour se plaindre d’un contrôle d’identité discriminatoire (§ § 92 – 93).  A cet égard, elle relève qu’un tel contrôle est constitutif d’une faute lourde en droit interne et que la charge de la preuve est aménagée en la matière (§§ 92 et 95-96). Elle note par ailleurs que les éléments produits par les requérants ont fait l’objet d’un examen attentif (§94) et que les juridictions internes ont rendu des décisions particulièrement motivées (§97).

La Cour juge enfin que l’absence d’obligation de traçabilité a été contrebalancée par un aménagement de la charge de la preuve (§§ 137-139).

Ainsi, la Cour conclut à la non-violation de l’article 14, dans son volet procédural, ainsi que de l’art.13.

Sous l’angle matériel, la Cour note d’abord que le cadre juridique interne alors applicable était compatible avec les exigences de l’article 14 combiné avec l’article 8 (§§ 101-105). Elle note ensuite que si des cas de contrôles discriminatoires peuvent exister en France et ne se réduisent pas à des cas isolés, ils ne s’inscrivent en rien dans le cadre d’un système généralisé (§ 111) et procède à un examen au cas par cas.

Elle juge que les cinq premiers requérants n’ont pas apporté de commencement de preuve relatif à l’existence d’une différence de traitement fondée sur des motifs raciaux (§§ 128 – 125). Elle conclut à la non-violation de l’article 14 à leur égard.

Elle s’écarte cependant des conclusions des juridictions internes pour le dernier d’entre eux. S’appuyant sur les statistiques produites par ce dernier, sur le fait qu’il avait été contrôlé 3 fois en 10 jours, sur l’absence de base légale ou l’irrégularité de deux de ces contrôles, et sur le témoignage selon lequel le requérant avait été giflé et insulté par un policier.